Sylvain Chaty
Professeur d’Astrophysique à l’université Paris Cité
Auditeur de la Session Annuelle 14
La tête dans les étoiles, et les pieds sur terre !
Ce qui m’a attiré d’emblée, c’était le côté rencontres professionnelles. Je n’avais jamais travaillé dans le privé et alors que les étudiants demandaient souvent conseil, je n’avais pas forcément les réponses à leur apporter. Cela a été ma motivation principale
Sylvain tu es aujourd’hui Vice-Président Culture, science, société, à l’Université Paris Cité et tu as fait la session 14 de l’IHEE (2013-2014). Quel a été ton parcours ?
J’ai eu un parcours assez classique dans le domaine de la physique fondamentale. Originaire de la banlieue parisienne, j’ai fait mes classes préparatoires (math Sup/Math Spé) au lycée Charlemagne (1989/1991), puis je suis parti directement en Licence à l’Université Paris 6. C’est l’université qui m’a formé, j’y ai fait ma maîtrise (en physique fondamentale) et mon DEA à Paris 7 et Observatoire de Meudon, en astrophysique.
Qu’est ce qui t’a attiré dans cette discipline ?
L’astronomie a toujours été ma passion depuis l’enfance, c’est un choix qui allait de soi.
J’ai fait ma thèse au CEA de Saclay (inscrit à l’université Paris 11), sur les microquasars qui sont des couples stellaires : une étoile en orbite autour d’un trou noir, celui-ci attirant la matière de l’étoile, qui forme un disque d’accrétion ainsi que des jets. Ce sont des laboratoires idéaux de physique de haute énergie, que l’on observe dans les rayons X et les rayons gamma, des rayonnements très énergétiques, et j’étudie comment ils se forment, comment ils évoluent, et comment ils interagissent avec leur environnement...
Tu as aujourd’hui sur une fonction administrative et d’animation lourde, cela signifie-t’il que tu as abandonné la recherche ? As-tu réussi à concilier les deux, à garder la Tête dans les étoiles et les pieds sur terre ?
Je n’ai pas abandonné la recherche, c’est quelque chose de vital pour moi. Je suis toujours dans des collaborations, dont un programme qui s’appelle VIRGO. Son objectif est de détecter les ondes gravitationnelles provenant de la fusion des trous noirs : deux trous noirs en orbite l’un autour de l’autre se rapprochent inexorablement, jusqu’à fusionner, et donner naissance à un plus gros trou noir, tout en émettant des ondes gravitationnelles, qui s’apparentent à des tremblements de l’espace temps, si petits que les détecter est une véritable gageure instrumentale : les bras permettant de les détecter, longs de 3 km, ne varient que d’un millième de la taille du proton, lors de la traversée d’une telle onde… De telles fusions de trous noirs, imaginées dès 1915 dans le cadre de la relativité générale d’Einstein, ne sont observées que depuis 2015 !
Dans quel cadre as-tu participé à la Session Annuelle de l’IHEE ?
Après la thèse, j’ai été recruté en tant qu’ATER (Attaché Temporaire d'Enseignement et de Recherche) à l’université Toulouse 3 (Paul Sabatier) et ensuite je suis parti pour un post doc de trois ans à l’Open University en Angleterre à Milton Keynes, université qui fait beaucoup d’enseignement à distance. Nommé Maître de Conférence à l’université de Paris 7 en 2002 je suis rentré en France et j’y ai retrouvé mon rattachement de recherche au laboratoire du CEA à Saclay (Département d’astrophysique).
Promu Professeur en 2011, j’obtiens une délégation à l’Institut Universitaire de France (IUF) en tant que membre junior en 2012 et c’est là, dans le cadre de l’IUF, que j’ai reçu un message m’informant de la possibilité de faire une année en tant qu’auditeur à l’IHEE. Je me renseigne sur ce programme, que je ne connaissais pas, et je découvre que mon Président d’Université de l’époque, Vincent Berger, avait déjà fait cette formation. Je lui en parle et il m’encourage à postuler, ce que j’ai fais.
Ce qui m’a attiré d’emblée, dès la présentation du programme, c’était le côté rencontres professionnelles. Je n’avais jamais travaillé dans le privé et alors que les étudiants demandaient souvent conseil, je n’avais pas forcément les réponses à leur apporter. Cela a été ma motivation principale.
Dans tes fonctions actuelles retrouves tu l’esprit IHEE ?
Cela fait 10 ans que je suis sorti de cette expérience. L’IHEE correspondait à une facette de curiosité de ma personnalité et ce n’est pas un hasard si aujourd’hui je suis dans une fonction où l’angle d’attaque c’est justement de travailler sur la manière dont l’université s’intègre à la société, ce qu’elle lui apporte.
J’organise les Rencontres d’UPCité, des rencontres qui permettent à l’université de sortir de son cercle et d’aller vers les citoyens à partir de diverses initiatives comme les rencontres art et science, les ciné débats, des séries de conférences courtes (les « 13 minutes »), ainsi que des rencontres avec des scientifiques.
Par exemple cette année l’université a acquis la réédition de la première carte de Cassini (Première carte topographique et géométrique établie à l'échelle du royaume de France dans son ensemble) que l’on appelle « l’édition de la Reine ». Autour de cette acquisition on a organisé une table ronde avec un cartographe (Loïc Boissier), un éditeur (Théodore Lillo) et un historien des Sciences (Denis Savoie).
A mon échelle j’ai l’impression de prolonger l’expérience IHEE.
L’année prochaine on va avoir une autre rencontre liée à la cartographie, l’édition d’un atlas mondial de la terre publié par Christian Grataloup un géographe et Pierre Léna un astrophysicien.
Je garde un excellent souvenir de la camaraderie, de la bonne ambiance de l’IHEE, ces présentations restent très fortement ancrées dans ma mémoire.
Comment as-tu vécu cette année comme auditeur ?
Cette année a été marquée par de nombreuses rencontres, la découverte de divers environnements professionnels qui m'étaient inconnus, ainsi que des façons différentes de penser et de travailler, ce qui m'a souvent surpris.
A part certaines personnes dont le métier les poussaient à voyager beaucoup, dont le mien, j’ai réalisé cette année-là que la plupart des gens, dans leur pratique professionnelle, ne voyageaient pas.
Le grand plaisir de rejoindre la session a été aussi de voir ma curiosité partagée par les autres. Ces questionnements étaient réels car j’ai constaté que parmi mes camarades auditeurs beaucoup ont changé d’orientation professionnelle pendant la session ou après.
Je suis encore en contact avec des auditeurs de ma promotion et nous partons même chaque année en vacances ensemble !
Je ne peux pas dire que l’IHEE ait eu un impact direct sur ma carrière (à part quelques passages au « 28 min » d’Arte), je ne cherchais pas à développer un réseau, mais cette formation m’a donné un vrai bol d’air, un véritable enrichissement intellectuel que je n’avais pas l’occasion de découvrir, même dans les voyages que je faisais. La mixité socio-professionnelle a été pour moi une source indéniable d’ouverture.
Quel intérêt trouves-tu à rester en contact avec I’IHEE connect ?
Refaire une formation sur une année, serait un rêve, mais sans doute difficile à réaliser. Le temps d’un apéro, d’une visite, on revit un mini IHEE. C’est une manière de prolonger l’expérience, l’étonnement, la découverte !
Les métiers des autres sont fascinants à découvrir.
Pendant la formation IHEE nous avions un programme qui s’appelait « vis ma vie ». J’ai passé une journée à la Défense avec un camarade qui travaillait chez GDF et lui une autre journée à l’Université. Nous avions pris beaucoup de plaisir à découvrir ces environnements nouveaux pour l’un comme pour l’autre.
As-tu une anecdote sur cette session 14?
J’avais organisé, sur une sollicitation des auditeurs, une journée à l’université en assurant une conférence sur « l’univers ». Pour beaucoup, ils n’avaient jamais abordé cette question à cette échelle. Ça les a secoués, remis en cause dans leurs convictions ! D’ailleurs, certains de mes anciens camarades m’en parlent encore !
Interview réalisée par Eric Fouache, Membre Honoraire Senior de l’IUF, Professeur de Géoarchéologie à l’UFR de Géographie et Aménagement de Sorbonne Université, UR Médiations « sciences des lieux sciences des liens ». Promo 2 de l’IHEE.