Hervé Godechot

Membre du CSA - Alumni de la Session Annuelle 3

Journaliste, Hervé Godechot a rejoint le CSA en février 2019 et il en sera membre jusqu'en janvier 2025.

Diplômé de l’Ecole de journalisme de Tours, il devient  journaliste reporter pour les stations régionales de France 3 à Rennes, Nancy, Le Mans et pour le réseau France Outre-Mer (1988-1994).

Il rejoint ensuite la rédaction nationale de France 3 comme reporter, puis grand reporter au service Informations générales, puis au service Economie et social à partir de 1995. Il est chef du service Economie et Social de France 3 (2000-2006), avant d’être nommé rédacteur en chef des éditions nationales des journaux télévisés, le 12/13 et le 19/20 (2006-2016).

A partir de 2016, il devient rédacteur en chef du service Economie et Social commun à France 2 et France 3, éditorialiste et chroniqueur pour France 3 et France Info TV, sur laquelle il présente aussi la Semaine de l’Eco.

Depuis janvier 2019, Hervé Godechot était rédacteur en chef des opérations spéciales et éditorialiste sur France Info TV.

Hervé Godechot a participé à la Session Annuelle 3.

IHEE : Pouvez-vous vous présenter (Nom, prénom, entreprise, poste) ? A quel programme de l’IHEE avez-vous participé ? Pouvez-vous revenir sur cette expérience : souvenirs, anecdote à partager ?

Hervé Godechot : Je suis journaliste. J’ai fait toute ma carrière à France Télévisions, plus précisément à France 3. Après des années à enchainer les missions comme grand reporter, j’ai pris la direction du service économique et social de la rédaction tout en étant éditorialiste, puis celle des journaux (12/13 et 19/20) pendant près de dix ans, comme rédacteur en chef. Début 2019, le président du Sénat, Gérard Larcher, m’a fait l’honneur de me nommer au Conseil supérieur de l’audiovisuel. J’y serai jusqu’en 2025. J’ai fait partie de la promo 3. C’était une très belle expérience, dans une ambiance formidable. Je garde le souvenir particulier des voyages, spécialement de la Chine. Grâce à l’IHEE, nous pouvons nous vanter d’être parmi les rares Occidentaux à avoir été reçus au centre de formation des cadres du parti communiste chinois… un grand moment, avec un étonnant franc parler de nos interlocuteurs. Le fait même de passer du temps à étudier, à réfléchir plutôt qu’à produire et à prendre du temps pour échanger, a été particulièrement important pour moi dans une période professionnelle où j’étais sous la pression permanente de l’antenne. 

 

Est-ce que l’IHEE vous a ouvert sur quelque chose de nouveau, dans votre vie professionnelle ou personnelle ?  

J’étais déjà journaliste économique depuis plusieurs années quand j’ai intégré le programme IHEE. Cette année à découvrir le monde de l’entreprise sous des angles inhabituels et les subtilités de la mondialisation m’ont ouvert les yeux sur bien des points, sur la complexité des ensembles, sur les effets papillons de l’économie. J’en ai retiré la confirmation que, comme le disait Boris Vian, la vérité réside souvent dans l’infinie gamme de gris qu’il y a entre le noir et le blanc. Je fuis le manichéisme, les assertions radicales… Economie et politique, au sens grec du terme, c’est-à-dire « la vie de la cité », sont totalement interconnectées. Ce que j’ai appris à l’IHEE me sert encore aujourd’hui. J’y ai beaucoup travaillé sur « l’âme de l’entreprise », son identité, ce qui rassemble (ou divise) au-delà de la communauté de travail et de production de richesse. Les échanges avec les autres membres de la promo 3, qui venaient d’horizons professionnels et parfois culturels très différents, ont été très formateurs également. Beaucoup d’entre eux sont devenus des amis que je vois régulièrement. Après l’IHEE, je me suis engagé au bureau de IHEE Connect, l’association des anciens. J’y suis resté 15 ans ! J’ai ainsi pu faire la connaissance de nombreux membres des autres promos et continuer de faire partie de l’aventure. 

 

Vous comptez parmi les sages du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, pouvez-vous nous en dire plus sur vos missions au sein de cette autorité indépendante et les grands dossiers que vous traitez ?

A l’origine, l’ancêtre du CSA, la Haute Autorité, avait pour principale mission d’affecter les fréquences aux éditeurs de radio puis de télévision qui en faisaient la demande. C’est toujours le cas : l’attribution de fréquences (qui constituent un bien national) est gratuite mais soumise à des engagements conventionnels, législatifs et réglementaires des opérateurs ; il nous appartient, ensuite, de vérifier que ces engagements sont tenus et à sanctionner si ce n’est pas le cas. Le CSA vivant avec son temps, le champ de la régulation s’est peu à peu ouvert aux plateformes de vidéo à la demande et maintenant aux réseaux sociaux. A la fin de l’année, nous fusionnerons avec la HADOPI pour créer l’ARCOM, qui sera également en charge de la lutte contre le piratage des contenus. Le principe de fonctionnement du CSA, c’est la collégialité et l’indépendance. Toutes les décisions sont débattues et prises par les 7 membres du Conseil. Donc, nous nous occupons tous de tout : le pluralisme, la diversité, la déontologie, l’accès aux médias, la lutte contre les infox et la haine en ligne, la protection des jeunes publics, la TNT, la création audiovisuelle et cinématographique… Plus particulièrement, je préside le groupe de travail « radio et audionumérique », qui couvre l’ensemble des sujets du secteur : l’économie, le marché publicitaire, la ressource radioélectrique, le déploiement du numérique terrestre (le DAB+) et je m’intéresse aux nouveaux usages et nouvelles technologies comme les podcasts, les enceintes connectées ou l’essor des plateformes de streaming musical… Pour traiter tous ces sujets, nous sommes accompagnés par une équipe de 300 personnes, ingénieurs, juristes, communicants, présents sur tout le territoire national… Je fais désormais un travail d’économiste, mais je garde toujours mes vieux réflexes de journaliste. Je suis très fier que le CSA ait créé cette année la première fête de la radio, qui a rassemblé tous les éditeurs et qui a été un immense succès. 

 

La crise sanitaire a-t-elle accéléré certaines mutations dans le paysage médiatique en France ?

Oui, incontestablement. Sous la pression des nouveaux usages et des nouvelles technologies, le paysage médiatique vit une révolution. Le consommateur, l’usager est au cœur du système : utilise-t-il son téléviseur pour regarder les chaines en direct ou les plateformes de vidéo à la demande ? Ecoute-t-il la radio, les podcasts ou les plateformes de streaming musical ? Quel mode de réception privilégie-t-il : l’hertzien ou internet ? Le smart phone ou la chaine hi-fi ? Le poids des nouveaux entrants surpuissants, les GAFAN, bousculent les modèles économiques traditionnels, les chaines de valeur, introduit de nouvelles notions d’intermédiation. Il faut inventer de nouveaux relais de croissance. Les marchés pertinents évoluent, s’interpénètrent, entre le linéaire et la délinéarisation. On assiste à une consolidation du secteur ; le projet de fusion de TF1 et M6 en est un exemple. Il faut se méfier de l’effet loupe : les médias traditionnels restent forts. La télévision rassemble toujours 44 millions de téléspectateurs et la radio 40 millions d’auditeurs. Mais ils doivent s’adapter. Les enjeux ne sont pas qu’économiques : le poids des réseaux sociaux, l’influence des algorithmes de recommandation, poussent la société toute entière dans des voies où certains sont confortés dans leurs opinions et nient l’altérité, où d’autres restent sur le bord de la route, victimes de la fracture numérique. Le mouvement a commencé bien avant la crise sanitaire, mais la pandémie et ses conséquences sur nos modes de vie a donné un grand coup d’accélérateur. Ce sont des thèmes de première importance pour l’ensemble du secteur, mais aussi pour le régulateur, le CSA. Outre nos missions statutaires, nous avons créés un comité d’expert pour lutter contre les fausses informations, un observatoire de la haine en ligne, nous dialoguons désormais avec les géants des réseaux sociaux et avec nos homologues européens et mondiaux sur tous ces sujets, car il en est ainsi partout.


Avez-vous un conseil/une réflexion /une lecture/une citation/ une œuvre d’art à partager avec nos lecteurs ? Et pourquoi ? 

Je suis un amoureux de la Sagrada Familia, à Barcelone, dont le génial architecte, Antoni Gaudi est à l’origine. C’est la dernière cathédrale encore en construction. Son édification a commencé au XIXème siècle et n’est toujours pas achevée. Des générations d’ouvriers et d’ingénieurs se sont succédé sur le chantier ; beaucoup n’en ont vu ni le début ni la fin, chacun apportant sa pierre. Le temps, l’évolution de la société et de la sensibilité artistique, les nouveaux matériaux, les nouvelles technologies ont continuellement transformé le projet. Toute une communauté d’hommes et de femmes a contribué jusqu’à maintenant à servir une œuvre plus grande qu’eux. Je trouve cela inspirant.